BETRAYAL IS THE MAN ♣ pv wanda

Un ciel brumé s’était installé au pied du Danemark, dans la ville de Copenhague. Les allers-retours se faisaient nombreux ; les touristes entraient et sortaient des pubs irlandais, dans le vain espoir d’échapper à une éventuelle averse. De fines gouttelettes de pluie, opalescentes, tambourinaient d’un rythme rapide la vitre emplie de poussière du Café Norden. Le port était presque vide ; chacun venait s’abriter à l’intérieur du bâtiment ancien. La terrasse qui, quelques minutes plus tôt, était emplie, était désormais vide de gens. Les clients s’étaient réfugiés, traînant avec eux des parapluies noirs de désespoir. Les tasses de thé et de café s’empilaient sur le rebord du bar en bois. Un musicien s’était installé sur une estrade aménageable et chantait des airs de comptine, tout en agitant les cordes de sa guitare sèche. Else allait et venait parmi les clients étouffants, des gouttes de sueur perlant sur son front empourpré. Les affaires reprenaient et l’effervescence de la ville également. De vacillantes lumières s’éteignirent sur les navires résidant aux alentours du port et un lourd silence s’installa alors. Chacun dégustait avec plaisir son chocolat chaud, espérant qu’une vague de froid pareille ne reviendrait pas de sitôt. Else se dirigea jusqu’à un client maigrelet, qui se soutenait uniquement grâce à la chaise qui se trouvait devant lui. Il s’y assit avec beaucoup de mal et prit une grande bouffée d’air avant d’agiter la main pour prendre une commande. Déjà en chemin, la jeune serveuse l’écouta avec attention et griffonna quelques notes au stylo bille sur son bloc de papier recyclé. « Je vous amène ça tout de suite, monsieur. » murmura-t-elle, le sourire aux lèvres. Emplie d’enthousiasme, elle parvint jusqu’au bar, y déposa le papier et attendit d’être servie pour elle-même ensuite servir. Ses cheveux caramel glissaient le long de sa nuque à la température brûlante et elle ressentit soudain le besoin de s’évader. Déposant son plateau en acier plombé – ou du moins, c’est ce qu’elle crût -, elle dénoua sa natte et poussa la lourde porte en bois du café. Inspirant l’air frais, elle se croyait nouvelle, jusqu’à ce que la pluie s’abattît de nouveau. Poussant un long et profond soupir qui provint de ses narines effrénées, elle rentra enfin dans le café. Rien ne semblait avoir changé. Elle retourna à sa tâche, effarée que rien n’eût changé. Etait-elle invisible face à ces gens ? Elle jeta un rapide coup d’œil au petit maigrelet qui attendait son sirop d’orgeat, ses doigts tapotant la table nappée anxieusement. Ses prunelles vives mais discrètes parcouraient la pièce, guetteurs. Elle parvint jusqu'au bar, rampant presque pour demander sa commande et aperçut Wanda, debout sur les pavés de carrelage froid qui ornaient la cuisine. « Où est le sirop d’orgeat ? » demanda Else, à bout de souffle. Wanda la fixa durant quelques secondes, hésitante, et désigna un verre plein à ras-bord contenant un liquide trouble dont Else n’aurait pas pu deviner que ce fût un sirop d’orgeat. Epuisée, elle le saisit et l’amena, tremblotante, au client désirable.